Cas d'usage
Fabienne Marx, psychologue
Avec eva et le format jeu, on détourne la posture d'évaluation. Pour le jeune, il n'y a pas de sentiment d'échec
La Mission Locale pour l’emploi de Strasbourg et l’Eurométropole est une structure qui agit pour un grand nombre de bénéficiaires aux profils assez variés.
Elle accueille près de 6000 jeunes par an, dont 5000 en accompagnement renforcé. Elle accompagne également près de 500 adultes bénéficiaires du RSA.
Depuis le mois d’avril dernier, la mission locale de Strasbourg utilise eva quotidiennement, essentiellement en début de parcours. Elle totalise aujourd’hui plus de 550 passations d’eva.
Fabienne Marx, psychologue du travail, a encadré un grand nombre d’entre elles. Elle a accepté de revenir ici sur l’utilisation d’eva au sein de sa structure.
eva
Fabienne Marx
eva est arrivé en 2020 à la Mission Locale de Strasbourg d’une manière un peu particulière. J’avais découvert eva début 2020, via un webinaire de présentation, et je pensais commencer son utilisation plutôt en deuxième partie d’année.
Puis le confinement est arrivé brutalement et on a alors cherché des outils pour garder le lien avec le public. Le télétravail était nouveau, on avait plutôt l’habitude de travailler en présentiel, que ce soit en individuel ou en collectif. Avec le confinement, du jour au lendemain, les bénéficiaires se sont retrouvés coupés de nos services, et il a fallu s’adapter.
C’est comme ça qu’eva est arrivé, plus vite que prévu, au sein de notre structure. Nous y avons alors pris goût, et poursuivons son utilisation.
En période de confinement, ni les jeunes ni les conseillers n’étaient habitués à des relations à distance. Il se passe beaucoup de choses dans le bureau d’un conseiller en Mission Locale, mais quand tout passe en ligne, via un téléphone ou un ordinateur, une distance s’installe et c’est difficile de recréer du lien, de réintroduire de l’intimité.
Le format jeu de eva nous permettait de faire les choses avec souplesse et de manière assez détendue. Le jeu est bien accueilli auprès des jeunes, ce qui permet de faciliter la relation, mais c’est aussi un outil de travail qui va nous permettre de prévoir un autre rendez-vous, après la passation, pour le temps de la restitution.
eva est utilisé de manière très différenciée selon le contexte. Il y a différents types d’accompagnements. Les conseillers de proximité sont le premier contact du public avec la structure. D’autres conseillers sont mobilisés sur de l’accompagnement collectif, comme par exemple des groupes sur l’accompagnement à l’orientation active ou des Garantie Jeunes. Selon le dispositif, le programme ou l’état d’avancement du parcours, le conseiller va utiliser eva en fonction de ses besoins et de l’orientation qu’il souhaite lui donner. En ce sens, eva est un outil très polyvalent qui s’adapte à différents cadres.
Concernant l’objectif, là aussi eva est utilisé pour différentes raisons. eva nous permet d’aborder un certain nombre de notions. Nous l’utilisons souvent comme une amorce sur le sujet des compétences, qui est généralement une notion nouvelle pour les jeunes : les compétences de base, les compétences techniques, les compétences transversales, le savoir être… Il y a tout un panel de concepts à aborder avec eux, et il est important qu’ils puissent saisir ce que l’on va attendre d’eux dans leurs démarches de recherche d’emploi ou d’orientation vers des formations. On introduit également, grâce à eva, la notion de métier en tension. Métier, emploi, job, travail, sont des concepts différents. Quand on aborde la notion de métier en tension, cela se situe également dans le marché du travail. Enfin, eva nous permet aussi de traiter avec eux de notions plus fondamentales, comme leurs capacités à lire, à écrire, à comprendre.
Cela aide à faire le lien entre ce qu’ils sont capables de faire et les pré-requis qui sont ceux de l’entreprise.
En plus des bénéfices sur l’accompagnement, il y a une vraie valeur ajoutée sur la forme. A la Mission Locale on utilise un ensemble de tests, mais ils sont souvent sous des formats plus conventionnels, type papier crayon. Parfois pour les bénéficiaires, ça génère des crispations parce que ça rappelle des bons, mais souvent moins bons, souvenirs d’école.
Avec les formats traditionnels, on est dans une posture d’évaluation très marquée entre l’évaluateur et l’évalué. eva détourne tout ça. Avec le format jeu, l’évaluateur n’est pas visible. Il n’y a pas de chrono qui tourne, ou s' il tourne, il est moins perceptible pour le bénéficiaire. Le format jeu décrispe une situation qui pourrait être normalement tendue. Les visuels sont colorés, dynamiques et le jeu permet de raccrocher plus facilement avec le monde professionnel. Il permet d’amener la personne à réfléchir sur les compétences, les métiers, son parcours. Pour certains, et en particulier les jeunes, c’est assez efficace ! Il est assez courant qu’ils fassent le parallèle entre une situation du jeu, et une activité qu’ils ont réellement vécu, comme l’inventaire par exemple.
Enfin, il n’y a pas, avec eva, de sentiment d’échec. Les choses se font naturellement au rythme de chacun. Nous avons renommé les deux compétences les plus fortes restituées en fin de parcours au candidat. On les appelle les “compétences championnes”. On ne les utilise pas pour flécher les candidats vers un métier, mais pour engager la réflexion. Est-ce qu’il perçoit bien pourquoi telle compétence doit être mobilisée dans tel métier ? C’est le bénéficiaire lui-même qui va mener la réflexion, qui va dire par exemple “pour ce métier là il faut être rapide”, ou alors “il faut être capable de différencier les couleurs” par exemple.
Dans le cas où un métier l’intéresse plus particulièrement, le conseiller pourra alors l’accompagner à investiguer dessus, avec des recherches documentaires, des enquêtes terrain, ou des interviews.